Introduction Les discours d’Emmanuel Macron de Mulhouse [le 18 février] et des Mureaux [le 2 octobre] annonçaient une volonté ferme de renforcer la cohésion nationale et de lutter contre tout ce qui nous sépare en tant que société, notamment le terrorisme d’inspiration religieuse et fondamentaliste. Le projet de loi qui en découle devait renouer avec la promesse républicaine et rétablir la confiance citoyenne. En lieu et place, le projet de loi présenté en conseil des ministres le 9 décembre 2020 et les amendements proposés par les groupes de l’assemblée nationale encouragent la réduction de libertés et des mécanismes de défiances et de suspicion entre l’État et les différentes organisations associatives, éducatives et religieuses. En l’état, ce texte peine à convaincre de sa pertinence et fait même craindre des résultats inverses aux ambitions énoncées. La réussite d’une politique est liée à sa capacité à anticiper et maîtriser ses effets indésirables, or ceux-ci semblent de plus en plus nombreux. Cette lutte contre les “séparatismes” doit et ne peut s’articuler qu’autour de notre devise : Liberté, Egalité, Fraternité. Si ce projet de loi n’est à l’évidence pas cohérent avec les discours du Président de la République, il n’est en outre pas à la hauteur des enjeux actuels. 1. Laïcité, Liberté de conscience et libre exercice du culte Positionnement : Le projet de loi prévoit le renforcement du pouvoir de contrôle de l’autorité administrative (articles 2, 27, 33, 44) au détriment de l’autorité judiciaire, et l’augmentation considérablement des contraintes sur les associations cultuelles. Il cadre leur capacité à recevoir des financements étrangers (articles 30, 33, 35, 36), revoit leur organisation interne (article 26), contraint leur création et la constatation de leur qualité culturelle (article 27) et autorise leur fermeture administrative, même temporaire (article 44). Si ces dispositions peuvent être considérées comme des atteintes au libre exercice du culte, elles donnent surtout un pouvoir sans précédent aux préfets qui ne devraient en aucun cas avoir un champ d’interprétation aussi large, notamment dans la perspective d’une potentielle arrivée au pouvoir d’un gouvernement extrémiste. Préconisations : Propositions : 2. Liberté d’association Positionnement : Les lois de 1901 et 1905 sont définies par leur caractère libéral, souhaité et voté par leurs auteurs. A l’instar du Mouvement associatif, l’association Coexister considère que la liberté d’association se trouve ici remise en question par un contrôle contre productif de l’État. Le projet de loi prévoit d’augmenter les contraintes et charges administratives, d’imputer aux associations les agissements de certains de leurs membres (article 8) et de subordonner le versement de subventions publiques à la signature d’un contrat d’engagement républicain (articles 6 et 7). Ces dispositions, dont les contours et formulations sont dangereusement floues, peuvent permettre à la personne publique de restreindre la capacité d’action d’une association qui s’opposerait à une politique publique. Préconisations : Proposition : 3. Dignité, lutte contre la haine et les discriminations Positionnement : Le projet de loi prévoit un nouveau délit de mise en danger de la vie d’autrui (article 18) par diffusion d’informations. Le fait que le comportement prohibé soit réprimé indépendamment de l’existence d’un résultat peut notamment permettre de lutter contre la cyberhaine. Coexister se félicite du recours à la justice, plutôt qu’aux grandes plateformes du web ou aux préfets, particulièrement essentiel dans le cas d’une limite à la liberté d’expression, comme nous l’avions défendu lors de nos auditions sur le projet de loi Avia en 2019. Le développement de la comparution immédiate et donc le recours à la Justice (article 20) pour les personnes suspectées d’avoir commis l’un des délits de provocation est ici à souligner de manière positive. Cependant, Coexister demande d’aller beaucoup plus loin. Préconisations : Proposition : Conclusion : La lutte contre les séparatismes et la réponse apportée à la haine islamiste trouvent dans ce projet de loi des mesures symboliques mais peu de réponses efficaces et réalistes sur les dangers de la situation actuelle. De même, seul l’angle palliatif est abordé au détriment d’une approche également préventive. Ce projet traduit une position idéologique à même d’accroître les fractures françaises, positionnement uniquement répressif dont on peut aujourd’hui mesurer, après plusieurs années, l’absence de résultat ou leur contre productivité. Par ailleurs, si le texte évoque “les” séparatismes, la communauté musulmane semble particulièrement ciblée par les différentes prises de paroles des personnalités politiques. Or, les appels à la haine et actes séparatistes ne sont pas l’apanage ni du fait religieux, ni de l’Islam. Si des mesures fortes sont indispensables pour combattre la plaie islamiste et les replis communautaires, notamment religieux, nous demandons à ce que ce texte aille encore plus loin pour endiguer aussi toutes les autres formes de séparatismes. Ainsi, nous demandons des mesures fortes en matière d’équité, de justice sociale et de réinvestissement des services publics en parallèle d’une vie associative plus pérenne, afin d’éviter tout repli communautaire et identitaire. Nous appelons enfin à une plus grande ambition autour de la promesse républicaine, un investissement massif dans les politiques éducatives et les politiques sociales sur le long terme. Agissons réellement contre les “séparatismes”. Ne manquons plus l’objectif .